La Colombie et le monde de la littérature sont en deuil après la mort de Gabriel Garcia Marquez, affectueusement surnommé Gabo dans le monde hispanophone. L’auteur de plus de quarante livres et de plusieurs articles avait une santé vacillante ces dernières semaines. Il avait été hospitalisé durant neuf jours pour « une déshydratation, une infection pulmonaire et un problème concernant les voies urinaires » à l’Institut des sciences médicales et de nutrition Salvador Zubiran, à Mexico, où il résidait depuis quelques années. Il était sorti de l’hôpital le 8 avril.
Mercedes Barcha, son épouse, et ses fils Rodrigo et Gonzalo avaient alors déclaré : « Gabo terminera sa convalescence chez lui. Son état est stable, bien qu’il soit toujours très fragile et qu’il existe des risques de complications liées à son âge. ». Le 14 avril, dans le journal El Universal de Mexico, la journaliste Alida Piñon avait indiqué que « la vie de Gabo, retiré de la vie publique, était de nouveau en danger. Au début des années 2000, il avait lutté contre un cancer lymphatique. Douze ans plus tard, le cancer a atteint d’autres organes. Le poumon, les ganglions et le foie sont touchés. »
Gabriel Garcia Marquez était apparu pour la dernière fois en public le 9 mars dernier, le jour de ses 87 ans. La presse avait alors photographié l’écrivain dans un costume gris, souriant, des fleurs jaunes dans les mains.
L’écrivain et le journaliste
Gabriel Garcia Marquez, dont la carrière littéraire fut immortalisée par le prix Nobel de Littérature en 1982, a marqué et marquera les mémoires de nombreuses générations de lecteurs. Avec le réalisme magique, il fut l’initiateur et le principal représentant de ce courant littéraire. Cent ans de solitude (1967) a été traduit dans de nombreuses langues et s’est imposé comme une œuvre majeure de la littérature mondiale au même titre que L’Étranger d’Albert Camus, À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, Ulysse de James Joyce ou encore 1984 de George Orwell.
Aux côtés de l’Argentin Julio Cortazar, du Mexicain Carlos Fuentes et du Péruvien Mario Vargas Llosa, Gabriel Garcia Marquez avait été l’un des représentants du « boom » latino- américain, un mouvement littéraire des années 60 et 70 qui rompit les schémas de la littérature traditionnelle avec des fresques fantastiques, politiques et sociales. Il se distingua également par son idéologie politique que certains qualifiaient « de gauche », ce qui lui valut d’être persécuté dans les années 50 par les gouvernements colombiens de l’ex-président Laureano Gomez et du dictateur Gustavo Rojas Pinilla.
Garcia Marquez quitta la Colombie dans les années 80 après avoir reçu des menaces suite aux accusations non fondées de soutien au groupe guérillero M 19. Il entretenait des amitiés célèbres avec des personnages de la scène politique internationale, parmi lesquels le leader révolutionnaire cubain Fidel Castro.
Gabo et le cinéma
Au delà de ses écrits littéraires et journalistiques, Garcia Marquez était également connu pour sa production cinématographique en Amérique latine. Peu après des études de cinéma au Centre Expérimental de Cinématographie de Rome, il fut président de la Fondation du Nouveau Cinéma latino-américain à Cuba.
C’est à cette époque qu’il collabora à l’écriture de scénario pour des films comme Le Coq d’or, inspiré d’un conte de l’écrivain mexicain Juan Rulfo et adapté au cinéma par Roberto Gavaldon en 1964. Il participa également à l’écriture, entre autres, des films Temps de mourir (1966) et Presagio (1975).
Ses livres firent parfois l’objet d’adaptations sur grand écran. Le septième art retiendra surtout Pas de lettre pour le colonel (1999), avec Salma Hayek dans le rôle principal, L’Amour aux temps du choléra (2006), réalisé par Mike Newell, ou encore De l’amour et autres démons (2010).
« Une histoire ne se termine jamais, et jamais tout n’est raconté »
Crédit Eliana Renteria
Gabriel Garcia Marquez naît le 6 mars 1927 dans le village d’Aracata, situé au nord de la Colombie. En 1947, il commence des études de droit et de sciences politiques à l’Université Nationale de Colombie. Il arrête ses études en 1948 en raison du Bogotazo, une période de violence qui fait suite à l’assassinat de l’homme politique Jorge Eliecer Gaitan.
Il déménage alors au nord de la Colombie afin de commencer une carrière de journaliste pour les quotidiens El Universal, El Heraldo et El Espectador. Il se dédie ensuite à l’écriture et débute sa carrière d’écrivain. Il fut notamment l’auteur de Des feuilles dans la bourrasque (1955), Pas de lettre pour le colonel (1961), L’incroyable et triste histoire de la candide Eréndira et de sa grand-mère diabolique (1972), Chronique d’une mort annoncée (1981), L’Amour aux temps du choléra (1985), ou encore De l’amour et autres démons (1994).
Aujourd’hui, la Fondation pour un nouveau journalisme ibéro -américain, dont il est le fondateur, propose des ateliers et séminaires de formation destinés aux jeunes journalistes et axés sur l’excellence et l’éthique journalistique.
En avril 2014, sa vie et son œuvre font l’objet d’une rétrospective – comme elles le firent en tant d’occasions – par la bibliothèque Luis Angel Arango de Bogota. « Celebrando a Gabo » (Hommage à Gabo) célèbre l’anniversaire de l’écrivain avec une série de conférences. Parmi les invités, on retrouve le journaliste Jon Lee Anderson. Cet événement retrace sa vie de journaliste et rappelle certaines de ses citations, parmi lesquelles : « Une histoire ne se termine jamais, et jamais tout n’est raconté ».